Financer l'élimination du CO2 atmosphérique par la dette environnementale des entreprises

Romain - 15 Février 2022 - 23h33

Aucun des scénarii de stabilisation de la température moyenne à l'échelle du siècle ne fonctionne sans faire l'hypothèse de technologies d'émissions négatives, qui permettraient de retirer le CO2 de l'atmosphère ou des océans et de le transformer en produits utiles ou de le stocker à très long terme (e.g. stockage géologique). Il est urgent de décarboner le plus possible nos économies, mais cela ne suffit pas : pour ramener le climat à un équilibre qui limite l'accroissement des températures, il nous faudra aussi retirer de l'atmosphère les émissions historiques. Vu l'immense difficulté d'amener aujourd'hui les entreprises à supprimer leurs émissions, il est illusoire de penser que le marché de la compensation carbone volontaire suffira à financer le nettoyage du CO2 atmosphérique pour revenir des 419 ppm actuels aux 280 de l'époque pré-industrielle. Il est donc essentiel, en parallèle de l'ensemble des transformations (énergie, transport, agriculture, matières premières) à mener de front, que la France et l'Europe lancent sans attendre une politique ambitieuse en matière de développement, de déploiement et de financement des Technologies d'Émissions Négatives (TEN) qui permettront non seulement de compenser les émissions résiduelles post-transition, mais aussi de faire ramener à terme la concentration atmosphérique de CO2 à son niveau historique. Pistes à cet effet : (1) investir massivement dans la recherche sur les TEN, sur le modèle du "moon shot" de la DARPA et des missions Apollo de la NASA aux Etats-Unis, ou du développement du nucléaire civil en France à la même période. La BPI, l'IFREMER et l'ADEME pourraient être en première ligne. (2) Déployer le levier fiscal pour inciter les entrepreneurs à déployer ces technologies et les faire descendre le long de la courbe de coûts/d'expérience : (i) comme ce fut le cas avec les incitations fiscales pour le solaire avec le succès que la filière a connu (effondrement du coût des panneaux photovoltaïques) ; et (ii) comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour les TEN aux Etats-Unis avec le crédit d'impôts 45Q, avec le risque, si la zone euro ne s'aligne pas, de perdre la course au développement des TENs avant même que la course soit lancée. Une piste à ce sujet est d'ouvrir le droit à émettre un crédit EU ETS lors de la capture et du stockage de toute tonne de CO2 via TEN. (3) Déployer le levier juridique pour amener toute entreprise internationale cherchant à accéder au marché commun à prévoir des provisions financières pour leur dette environnementale i.e. la capture et le stockage ou la transformation en produits utiles pérennes de l'ensemble des émissions de CO2 historiques totales de leur outil de production, sous peine d'amende à la hauteur de leur responsabilité historique et à un prix de la tonne de CO2 dissuasif.

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